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Août 2008
Après la lecture du livre de Jean-Pierre Garcia, nous souhaitions pouvoir interroger l’auteur et lui poser des questions qui nous semblaient nécessaires afin de mieux comprendre sa position, ses certitudes et ses motivations. C’est par un échange de mails que ce fit l’interview de l’auteur. Nous lui adressions des questions écrites, il nous y répondit de la même manière.
Nous tenons à remercier Jean-Pierre Garcia et nous espérons que cette interview vous permettra de mieux le connaître. Comme à notre habitude, nous précisons que les propos de l’interviewer n’engagent que lui-même
Jean-Patrick Pourtal : Monsieur Garcia, vous êtes l’auteur du livre : « Rennes-Le-Château, le Secret dans l’Art ou l’Art du Secret », récemment publié aux éditions « Pégase », vous est il possible de vous présenter ?
Jean-Pierre Garcia : Au préalable, je dois préciser que cet ouvrage a été publié sur compte d’auteur et les Editions Pégase sont citées pour son rôle de diffuseur, mais aussi pour remercier son illustre représentant, Pierre Jarnac, qui aura été pour moi un soutien inespéré dans cette expérience. Rien ne pouvait soupçonner dans ma vie privée ou professionnelle que je publierai un jour. J’ai commencé mes études dans l’électronique, puis très rapidement j’ai poursuivi dans l’informatique, à une époque où le PC (Personnel Computer) était encore un jouet avant de devenir un outil. Je travaille aujourd’hui en tant qu’ingénieur système sur de grands projets étrangers, combinant « haute technologie » et transports urbains. Mais je suis avant tout un technicien dans l’âme et un « touche à tout ». Artiste peintre et passionné d’Histoire, j’aime à être pragmatique, lucide et curieux. Mais le rêve et l’imaginaire conservent une place très importante dans ma vie et c’est sans doute là où j’excelle. Le résultat est que technique et imagination me donnent certainement quelques atouts dans cette énigme.
JPP : Comment êtes vous venu à l’histoire de Rennes-Le-Château ?
JP Garcia : Comme tous les jeunes garçons des années 60, je rêvais de trésors et de ces mystérieux Chevaliers du Temple, très à la mode dans les années 1970. J’ai toujours été fasciné par des ouvrages sur les trésors oubliés de France ou sur les mystères occultes. Mes premières lectures passionnées furent les aventures de Gordon Pim et les histoires extraordinaires d’Edgar Poe, Nostradamus et Jules Verne. Ces rêveries d’enfance se sont naturellement arrêtées. Mais c’est à ma quarantième année qu’un jeu vidéo devait me faire à nouveau basculer dans les mystères médiévaux. « Gabriel Knight III » fut le déclic. Ce héros, plutôt naïf, doté d’une particulière intuition, m’attira dans un scénario occulte en 3D. Mais surtout, ce fut un tracé circulaire parfait traversant six églises du Razès qui m’accrocha définitivement entre le réel et l’imaginaire. Voici que se dressait devant mes yeux un pont entre l’incompréhensible et la réalité physique. Je découvrais un sujet dédaigné par les historiens officiels et pourtant assorti de questions multiples. Un défi pour un esprit cartésien. Voilà qu’à un trésor légendaire se mêlent des curiosités géographiques mesurables. Voilà qu’à des thèses historiques et spirituelles improbables, vient se greffer le comportement insolite d’un curé. Les premières visites dans la région m’impressionnèrent. Le reste ne fut que travail, lecture et persévérance, le tout animé d’une passion dévorante.
JPP : Plus de six cents livres ont été écrits sur l’histoire de Rennes-Le-Château, ne pensez vous pas que tout a été dit ?
JP Garcia : Paradoxalement, je dirais non. En tout cas, certainement pas l’essentiel. Lorsque l’on analyse l’énorme quantité d’ouvrages, très peu apportent de nouvelles pistes sérieuses et convaincantes. L’ensemble de la bibliographie peut se diviser en 3 groupes : les romans, les livres historiques ou biographiques et les études directement liées à l’affaire des deux Rennes. Or, pour ce dernier groupe, les analyses abordées sont souvent des approfondissements ou un élargissement du périmètre d’investigations. Car tous les chercheurs et les auteurs gravitant autour de Rennes le savent. Les écrits fondateurs émanent principalement de Gérard de Sède, Henri Boudet, Pierre Plantard et Philippe de Cherisey. Nous sommes aujourd’hui dans la seconde génération de chercheurs et je m’amuse toujours de voir que l’on redécouvre souvent des indices déjà analysés par nos anciens.
Sur 50 ans d’écrits, tout aurait pu être détaillé, montré et analysé. Pourtant, hormis l’exploitation de ce formidable gisement que nous ont légué ces premiers auteurs, il reste à expliquer l’affaire dans sa globalité et à lever complètement le voile du mystère. L’année 2005 fut à ce titre, le début d’une nouvelle démarche qu’initialisa Franck Daffos et que je devais croiser par hasard en mai 2005. Sa thèse novatrice est la démonstration que beaucoup reste à faire. Mais les pistes qui s’ouvrent aujourd’hui sont aussi le résultat des nouvelles technologies du Web, de l’image et du numérique. Les progrès de ce début du 21ième siècle ont certainement créé des conditions extrêmement favorables à l’investigation historique. Le résultat est évident. Après un long coma, les recherches castel-rennaises se remettent à avancer très vite. De nouvelles pistes s’annoncent très prometteuses et un travail immense se dresse à nouveau devant les chercheurs et les historiens. Il faut simplement exploiter ses pistes tout en restant humble et curieux. Tout ceci va obligatoirement générer d’autres analyses et donc d’autres livres.
Si beaucoup d’histoires et de romans ont été écrits sur le petit village audois, il reste néanmoins à poser sur le papier le récit complet et véridique qui amena quelques curés de l’Aude dans un tourbillon spirituel et occulte. Je suis convaincu que cet ouvrage ultime sera le plus étonnant de tous.
JPP : Parmi tous les ouvrages écrits sur l’affaire de Rennes-Le-Château, certains sont très fantaisistes, d’autres très érudits, voir historiques, dans quel catégorie classeriez vous le votre ?
JP Garcia : Sans aucune ambigüité « Etude historique ». L’affaire de Rennes-Le-Château a trop longtemps souffert des récits imaginaires ou de toutes ces thèses construites sur des rumeurs ou des « on-dit ». Les erreurs récurrentes ne manquent pas comme le Méridien de midi qui devrait passer exactement sur le tombeau des Pontils, Marie Dénarnaud qui serait illettrée, ou Saunière inventeur d’un trésor et projetant de construire une tour Magdala encore plus haute… La balance n’était plus équilibrée depuis longtemps. J’aime à rapporter l’exemple du petit livre de pierre de Boudet qui occupa les chercheurs de nombreuses années. Combien d’ouvrage on étudié cette inscription I.X.O.I.S. transformée au fil du temps en I.X:O.I.S. ? Pourtant il suffit d’aller sur place et d’effleurer la pierre et le second I pour se rendre compte que ce caractère n’est pas identique au premier I. Une photo qui m’a été envoyée amicalement par un internaute, prouve définitivement le fait.
A partir des années 1970 un autre fléau devait enrayer également les recherches. Ce sont les faussaires et les manipulateurs qui eurent la vie belle pendant de longues années en exploitant la crédulité humaine. Aujourd’hui, bien que le problème soit toujours d’actualité, il est très différent. La toile planétaire Internet permet à tous de juger et de réagir en quelques clicks. C’est cette interactivité et la puissance de diffusion du Web qui me donnèrent l’envie de reconsidérer l’énigme de façon transparente et contradictoire tout en dénonçant certains abus. L’ouverture d’un site devenait pour moi le seul moyen efficace d’essayer d’inverser cette tendance.
Ce fut ensuite une autre aventure en 2005 avec Franck Daffos. Cet auteur fortement critiqué pour sa thèse novatrice fut rapidement censuré, ce qui m’était insupportable. Une année de turbulence devait suivre, mais ce fut pour donner naissance à un forum aujourd’hui très riche et plein de nouvelles rencontres. La suite est une cascade de découvertes qui alimentent continuellement le site et que je dédie à tous les passionnés qui aiment me suivre.
Mais il manquait encore un élément pour toucher définitivement le public. Mettre sur papier cette fabuleuse histoire, non plus dans sa version Gérard de Sède, mais dans une version plus moderne. Je voulais présenter les plus belles découvertes 2005 et 2006, mais aussi mettre de côté les fausses vérités et certaines romances créées par de Sède. Je voulais rester sur des faits. Comment faire admettre que Bérenger Saunière n’était qu’une cheville ouvrière dans un vaste plan ? Comment présenter cette fresque historique deux fois millénaire ? Comment expliquer les différentes résurgences du Secret et leurs enchainements chronologiques ? Comment montrer que tous les indices que nous connaissons sont cohérents sur trois siècles ?
L’impulsion du livre fut donnée par les découvertes faites avec Jean Brunelin sur la fresque de la Montagne Fleurie. Je voulais aussi montrer les mystères de Rennes en couleurs, la beauté de ces tableaux abstraits peints dans l’église Marie-Madeleine et destinés aux générations futures.
« Le Secret dans l’Art ou l’Art du Secret » a deux objectifs. L’un est de présenter aux non initiés cette merveilleuse histoire sur 2000 ans sous la forme d’un panorama historique, l’autre est d’apporter une découverte inédite. J’espère y être parvenu…
JPP : Mais venons au sujet qui nous intéresse votre travail et plus précisément aux théories que vous avancées dans votre livre. Une chose m’a intrigué, vous insistez sur le fait que le curé de Rennes-Les-Bains aurait été initié tout comme certains de ses collègues ma question est simple à quoi a-t-il été initié, par qui et quel ordre initiatique ?
JP Garcia : Il faut d’abord s’entendre sur ce que l’on appelle « Initiation » et « Ordre initiatique ». Pris dans leur sens strict, « Initiation » est associée à « rituel secret ou spirituel » et « Ordre initiatique » à « Société secrète ». Or il n’existe aujourd’hui aucune preuve et aucun élément permettant de supposer que Boudet faisait partie d’un tel ordre ou avait subi un quelconque rite. Lorsque dans mon livre je parle d’initiation, il s’agit d’échange secret entre différentes personnes. Dans le cas de Boudet cette initiation lui fut sans doute donnée par les chanoines de ND de Marceille, puis par Jean Jourde.
Il faut aussi préciser que le livre s’appuie sur les fondations historiques entre 1645, date de l’invention du trésor par le berger Paris et aujourd’hui. Ces bases détaillées par Franck Daffos sont actuellement indéboulonnables. La chronologie des évènements, les traces documentaires et les preuves historiques ne manquent plus. Bien sûr, certaines zones d’ombre demeurent, mais un travail important d’historien est maintenant posé. Cette chronologie précise permet maintenant d’intégrer des personnages et des faits qui, jusqu’alors, étaient impossibles à relier ou à prévoir.
L’abbé Boudet est sur ce point un bon exemple car les dates importantes de sa carrière adhèrent parfaitement à des lieux et à des évènements impliqués dans l’affaire. C’est ainsi que, par un pur hasard de circonstance, Boudet rencontra Gaudéric Mèche vers 1862 à ND du Cros près de Caunes-Minervois. Le premier poursuivait sa jeune carrière de prêtre, alors que le second s’était retiré de ND de Marceille, emmenant avec lui quelques secrets. Voici donc deux chemins qui vont se croiser pour fournir certainement à Boudet quelques éléments importants de l’énigme. Mais surtout Boudet fut nommé à Rennes-les-Bains dès 1872, or c’est précisément à cette date qu’Henri Gasc quitta ND de Marceille. Ce dernier savait que le Secret était entre de bonne main, car son angoisse fut certainement de trouver un successeur, un homme d’église érudit et de confiance qui pourrait mener à terme les recherches. Boudet fut initié sans aucun doute par Gasc qu’il lui confia l’état de ses recherches et ses méthodes de codage artistique. Malheureusement l’ex chanoine de ND de Marceille ne put profiter de la découverte de la cache en 1885 puisqu’il devait mourir en 1882.
Un autre aspect intéressant de l’affaire est celui du courant Saint-Sulpicien qui débuta en 1646 avec Jean-Jacques Olier, curé de l’église Saint-Sulpice de Paris. Comme par hasard, nous retrouvons des Lazaristes (Saint-sulpiciens) à ND de Marceille juste après le départ d’Henri Gasc. Et pour continuer dans ces coïncidences, voici qu’un érudit de Saint-Sulpice est parachuté à ND de Marceille en 1880. Il s’appelle Jean Jourde et son implication dans l’énigme devient vite incontournable. Voici donc une deuxième source d’initiation pour Boudet qui profita certainement des intuitions et de l’érudition de Jean Jourde. Boudet fut donc initié par différents hommes d’église et peut-être par quelques secrets du courant lazariste…
JPP : Page 237 de votre livre vous affirmez qu’Henri Boudet a trouvé la cache originelle aidé de Jean Jourde. Nous n’avons réellement aucuns éléments permettant d’accréditer cette thèse, sur quoi de tangible vous appuyez vous ?
JP Garcia : Il est évident que dans cette affaire nous aimerions trouver une lettre signée Boudet et Jourde, expliquant leurs aventures. Malheureusement et c’est peut être aussi pour cette raison que l’affaire est passionnante, nous sommes en présence d’une histoire de prêtre au 19e siècle agissant dans un secret parfait. Il faut donc raisonner et travailler autrement. Comme dans une enquête policière, il faut rassembler les indices, les confronter, les vérifier et relever toutes les convergences de fait.
A propos de Boudet et de Jean Jourde, qu’avons-nous ?
– Nous savons que Boudet rencontra Gaudéric Mèche et Henri Gasc, chanoines de ND de Marceille
– Que la Congrégation Lazariste est fortement impliquée dans l’affaire (Serpent Rouge)
– Que Jean Jourde était un lazariste érudit, issu de l’élite du Séminaire de Saint Sulpice de Paris
– Qu’il arriva à Notre Dame de Marceille en 1880
– Que Boudet à cette époque parcourait à pied les environs de Rennes-Les-Bains
– Que Boudet écrivit son livre codé LVC paru en 1886
– Que l’église de Saunière est l’illustration en image de ce livre
– Que Jean Jourde continua à s’impliquer après la mort de Boudet
– Que nous retrouvons maintenant des indices sur la fresque de la Montagne Fleurie et sur le bas-relief Marie-Madeleine et qui rejoignent les tableaux de Rennes-Les-Bains par la pierre dolmen.
La liste des faits est maintenant très longue et il faut être aveugle pour ne pas voir ce qui se dessine sur ce puzzle. La cache originelle fut trouvée en juin 1885 par Boudet et pour s’en convaincre il suffit de lire quelques passages bien ciblé de LVC. Tout y est, mais malheureusement on ne peut comprendre que si on a déjà compris… Un comble pour un érudit des langues…
JPP : Pour vous, où se situerai la cache originelle ? Près de la bergerie d’Ignace Paris ?
JP Garcia : Si on met en parallèle quelques contraintes de configuration de terrain, la situation de la bergerie Paris et la prise en compte de certains indices, on arrive à situer une zone qui devient fortement probable non loin de la bergerie. C’est aujourd’hui un secret de polichinelle. Mais d’autres secteurs me laissent aussi très perplexe.
A ceci je ferais plusieurs remarques :
– Vous pouvez être à un mètre de la « Catin » et ne rien voir… (Voir la définition d’une catin)
– Compte tenu de la dernière mission de Jean Jourde, il y a fort à parier que tout a été fait pour ne pas la retrouver et dérouter les curieux
– Seul le raisonnement ou le hasard nous permettrons de retrouver les traces de Boudet et l’entrée merveilleuse
– N’oublions pas que Plantard nous parle en fait de 12 caches, or certains indices ne ramène pas à la bergerie Paris
Mon intime conviction est que nous sommes en présence de plusieurs histoires qui se sont entremêlées au fil du temps et qui n’ont pas forcement de liens directs entres elles. Il faut donc être prudent et clairvoyant.
JPP : Dans votre ouvrage, vous présentez un travail important sur Nicolas Poussin, toutefois, vous affirmer que la seconde version des « Bergers d’Arcadie » a été réalisée plus tard que ce que les spécialistes de Nicolas Poussin affirment, sur quels éléments vérifiables vous appuyez vous ? Avez-vous eu accès à des sources que ces mêmes spécialistes n’ont pas eues ?
JP Garcia : Tout d’abord il faut dire que les spécialistes ne sont pas d’accord entre eux et il suffit de regarder la datation de la toile sur différents ouvrages de l’Histoire de l’Art pour se rendre compte que des variations existent entre 1638 et 1655.
Pendant très longtemps, le tableau des Bergers d’Arcadie (version II) fut daté par les experts du Louvres vers 1638-1640. En fait cette expertise se base uniquement sur la chronologie des thèmes abordés par le maître. Cette période de Poussin semblait propice à l’élaboration d’une telle toile, d’autant qu’elle poursuit le thème abordé en 1928 dans sa version I. Mais un détail important ne cadre pas avec le tableau et il aurait dû alerter les experts depuis longtemps. La toile démontre une grande maîtrise et une puissance picturale que le maître des Andelys ne possédait pas encore vers 1640. Les couleurs, la force allégorique de la scène et des personnages, font avancer le tableau vers 1650. Cet avis est d’ailleurs partagé par quelques grands spécialistes étrangers et notamment par Sir Anthony Blunt (1907-1983) qui s’opposa fermement aux expertises du Louvre.
Je suis conscient de l’enjeu de cette date. Admettre 1650, c’est aussi validé la conception du tableau après la découverte de Paris en 1645 et son commanditaire Nicolas Pavillon. Ce tableau est fondamental et Louis XIV l’avait bien compris puisqu’il le chercha durant 3 ans après l’affaire Fouquet.
JPP : Vous faites fréquemment référence aux fameux parchemins que Gérard De Sède présenta dans son livre dans les années 1960. Il y a de cela quelques années, un chercheur a démontré l’existence d’un codex, le Codex Bezae dans lequel ont retrouve la quasi intégralité du petit parchemin. Ce codex à été édité dans un livre aux alentours de 1848. Pensez vous, en ce cas, que ce document, cité par De Sède a pu réellement être trouvé par Bérenger Saunière ?
JP Garcia : Il est de plus en plus certain que Saunière n’ait pas trouvé ces parchemins, mais ceci ne veut pas dire qu’il n’ait trouvé aucun document. La découverte du Codex Bézae est très importante car elle démontre que le petit parchemin n’est pas issu d’un texte religieux quelconque, mais d’une bible du Ve siècle qui fut sauvée miraculeusement lors des guerres de religions par Théodore de Bèze en 1562. Or, lorsque que l’on enquête sur le feuillet original du Codex archivé à Cambridge, deux énigmes nous interpellent. L’une est la présence d’un crochet marquant le début du texte du petit parchemin, l’autre est le numéro de page 186, inverse de 681, nombre particulièrement important dans l’affaire de Rennes. Tout ceci montre que rien n’est dû au hasard. Même le choix du texte a été réfléchi puisqu’il s’agit de « la cueillette du blé », une allégorie qui rappelle inévitablement Boudet, la Kaïrolo et sa « précieuse céréale ». L’auteur du petit parchemin avait conscience de l’importance de ces indices et donc connaissait « La vraie langue celtique » parue en 1886. Plus on approfondie et plus on est obligé d’admettre une cohérence générale qui défi notre logique simpliste.
Le Codex Bezae a été publié plusieurs fois, mais la première version fidèle fut celle de F.H. Scrivener en 1864, reproduit ensuite en fac-similé en 1899 par l’université de Cambridge, version ou l’on retrouve le fameux crochet. Car c’est dans les années 1850 que le livre commença à être connu et à intéresser quelques scientifiques. Saunière aurait-il pu retrouver un extrait du Codex en 1887 alors que cette bible commençait tout juste à être révélée vers 1850 ? C’est très peu probable. Une autre piste est remarquable puisque le feuillet 186 a été retrouvé dans le dictionnaire de la Bible rédigé par Fulcran Vigouroux et publié en 1895. Or Fulcran Vigouroux (1837-1915) était un érudit sulpicien, ce qui nous ramène à Saint-Sulpice à Paris, au courant Lazariste de J-J Olier et à Jean Jourde.
Le petit parchemin est donc très certainement une composition qui naquit vers les années 1886 et dont sa codification nous échappe encore. Mais une chose est certaine, il est une partie indissociable du grand parchemin et de l’ensemble des indices nés entre 1880 et 1915. La suite commence à s’éclaircir. Les originaux auraient été achetés à Noël Corbu par des collectionneurs anglais et déposés ensuite dans un coffre londonien. Mais avant le document aurait été décalqué ou photographié par Pierre Plantard et Philippe de Cherisey. C’est ainsi que Plantard put fournir à Gérard de Sède ces fameux parchemins mais avec quelques modifications comme ces lettres légèrement surélevées et donnant la phrase : « A DAGOBERT II ROI ET A SION… ». La ficelle est évidemment aujourd’hui trop grosse, mais il fallut tout de même 40 ans pour l’admettre. Il ne restait plus qu’à de Sède de trouver une explication de leur découverte, ce qu’il fit avec Saunière…
JPP : Toujours au sujet des parchemins, vous appuyez une partie de votre réflexion sur la fameuse phrase que l’on trouve dans le grand parchemin présenté par De Sède « BERGERE PAS DE TENTATION… ». Autant que le petit parchemin s’appui sur le Codex Bezae autant que nous ne savons rien sur ce grand parchemin et nous n’avons aucune preuves de sa réalité. Alors êtes-vous sûr de pouvoir étayer une réflexion cohérente sur des éléments hasardeux ?
JP Garcia : Ce n’est pas parce que nous ne comprenons pas la totalité d’un indice, que celui-ci devient hasardeux. Si le petit parchemin a prouvé aujourd’hui son importance avec le Codex Bezae, le grand apporte lui aussi sa contribution au mystère et quelle contribution ! N’oublions pas qu’il nous a permis aujourd’hui de mettre en lumière et de relier des faces cachées historique importante entre Poussin, Fouquet, Téniers le Jeune, Delacroix et Saint Sulpice. Sans cette formule, nous serions encore certainement à chercher quelques pièces importantes du puzzle.
Il faut aussi ajouter que les deux parchemins étaient en réalité un recto-verso, ce qui lie incontestablement les deux textes. Enfin, pour comprendre la réelle complexité du grand document, il faut analyser finement son contenu. Si on compare le texte principal avec la version des évangiles de Saint Jean la moins éloignée, on s’aperçoit vite que les anomalies sont des erreurs volontaires. Un « e oncial » ne peut pas se transformer en un « X oncial » facilement. Mieux, deux mots ne peuvent pas se retrouver dans un ordre inversé. Des lettres ont disparu alors que d’autres ont été insérées. Les faits sont là. Nous n’avons pas encore trouvé le codex original du grand parchemin et ces lettres à priori chaotiques génèrent une phrase clé avec une rigueur mathématique implacable. De plus, le décryptage « BERGERE PAS DE TENTATION… » n’est probablement qu’une partie du codage. Je rappelle par exemple que 12 lettres supplémentaires, insérées dans le texte latin, forment : « AD GENESARETH » or ces lettres ne sont pas utilisées dans le décodage que nous connaissons. Quelle signification peut-on accorder à cette expression « Vers Génésareth », une ville de Palestine que l’on appelait Tibériade ?
Enfin il faut aussi garder en mémoire que la formule « BERGERE PAS DE TENTATION… » est l’anagramme parfait de la stèle de Blanchefort, à laquelle il faut ajouter « PS PREACUM ». L’auteur a voulu ainsi valider du même coup la stèle. Remettre en question le grand parchemin, c’est ignorer cette stèle et tous les indices qui en découlent. Toutes ces pièces cryptées sont associées, cohérentes et portent l’affaire dans un seul sens. Restons humble. Le grand parchemin est un indice fondateur qui n’a pas encore révélé tout ses secrets.
JPP : Pour vous, Bérenger Saunière aurait été le factotum d’Henri Boudet. Pensez-vous sérieusement que le curé de Rennes-Le-Château a réalisé dans son église, sans chercher à comprendre, les travaux que lui aurait imposés le curé de Rennes-Les-Bains ?
JP Garcia : Le rôle exact de Bérenger Saunière dans cette affaire reste un point obscur et passionnant. Selon les thèses, nous avons aujourd’hui un prêtre qui va d’un simple porteur de valise naïf, à un homme d’église engagé et occulte navigant dans plusieurs sociétés secrètes. Comme souvent, la vérité est là où on ne l’attend pas…
Plusieurs scénarios s’offrent à nous :
- Saunière n’était pas au courant jusqu’à sa mort. Nous savons maintenant que c’est faux. Plusieurs éléments prouvent que Bérenger Saunière se posait des questions à la fin de sa vie, de même nature que celles des chercheurs aujourd’hui.
2. Saunière se savait manipulé sans comprendre les réels objectifs. Dans cette hypothèse, le curé d’en haut, un homme intelligent et méthodique, se doutait certainement qu’il y avait anguille sous roche. En effet, comment pouvait-il ignorer ces peintures curieuses et anachroniques sur la fresque de son église ? Comment pouvait-il expliquer ces aides financières destinées à la construction de son Domaine ? Saunière recevait des mandats afin de réaliser ses travaux et ceci a dû obligatoirement l’interpeller. Mais n’importe qui aurait profité de l’occasion pour bien vivre et profiter au maximum.
3. Saunière connaissait le Secret ou une partie. Pourquoi pas ? Mais alors comment expliquer que les ressources financières de Saunière s’arrêtèrent brutalement vers 1906. Il faut alors chercher la réponse dans le point précédent. Car si Saunière reçu un financement pour ses projets de construction, ceux–ci devaient naturellement s’arrêter à la fin des travaux justement vers 1906.
En conclusion la solution 2 est actuellement la plus probable. Saunière fut utilisé pour construire un vaste Domaine contenant divers codages. Nous savons également qu’une organisation ingénieuse mise en place pour l’occasion, permit à Bérenger Saunière de recevoir des mandats de la part de ses confrères religieux. Saunière, un homme instruit, comprit sans doute tardivement le réel objectif. Peut être même que Boudet lui avoua tout quelques jours avant sa mort…
JPP : Si Bérenger Saunière n’avait été qu’un faire valoir, pourquoi les constructions engagées à Rennes-Le-Château ne l’ont-elles pas été sur Rennes-Les-Bains ?
JP Garcia : Voici une question passionnante qui montre bien que nous sommes en présence d’une mise en scène fabuleusement orchestrée. Le choix du site et de son curé furent certainement bien réfléchi. Parallèlement aux efforts de codages basés sur des documents et sur un livre (LVC), il fallait être sûr que le Secret soit bien préservé dans le temps et lisible. La question me hanta longtemps : comment résoudre cette équation ? Car il fallait :
– Garantir un codage sur plusieurs siècles
– Attirer l’attention d’un maximum de personnes
– Attiser la curiosité de certains intellectuels jusqu’à détecter l’élu qui saura lire et décoder
– Cacher, tout en restant accessible
La réponse est simple et complexe dans sa mise en place. Le choix devait se porter sur un lieu sacré et donc protégé. Mais une telle tâche de codage ne peut se faire que dans un vaste programme de rénovation qui servirait de couverture. L’idée était géniale. Il suffisait de choisir une église à rénover et un curé dynamique, motivé et de confiance, pour mener les travaux. Saunière, ambitieux et fougueux, arriva à point.
Mais pourquoi ne pas avoir monté cette mise en scène à Rennes-Les-Bains ? Il faut se rappeler qu’en 1880 Boudet avait d’autres préoccupation que de guider des travaux dans sa paroisse. Boudet arpentait les alentours et travaillait en secret sans doute avec Jean Jourde. Et puis la construction d’un vaste Domaine ne pouvait être envisageable que sur des terrains vierges. Rennes-Le-Château offrait sur ce point la meilleure solution.
JPP : Vous réalisez un travail impressionnant sur la fresque de l’église de Rennes-Le-Château. Vous recherchez des détails qui parfois sont troublants ; Vous présentez le petit personnage sur la lande comme étant un ecclésiastique, chose que j’avais personnellement affirmé dès 1998 sur ce Site. Parmi les études des détails, vous écrivez que vous découvrez des choses étonnantes. Ne pensez vous pas qu’a rechercher trop dans les détails ont fini par voir ce que l’on a envie de voir ?
JP Garcia : Lorsque que Jean Brunelin et moi-même avons découvert l’importance de la Fresque de la Montagne Fleurie, il était clair dans mon esprit qu’une telle profusion de détails et d’informations ne pourrait être communiquée sans provoquer débats et difficultés d’interprétations.
Mon idée fut au départ de publier un petit fascicule sur ces détails incroyables et inédits. Mais un constat devait vite s’imposer. Comment montrer l’existence de cet ours des Pyrénées dissimulé dans la fresque sans expliquer pourquoi il fallait s’attendre à un ours ? Comment expliquer les coupes transversales des différentes grottes sans présenter le contexte général de l’affaire ? Comment prouver l’importance de cette « pierre dolmen » dissimulée sur la fresque sans mettre en parallèle celle découverte avec le jumelage des tableaux de Rennes-Les-Bains ? Je devais mettre en parallèle les détails de la fresque avec les indices fondateurs que sont le livre de Boudet, le « Serpent Rouge », le « Charlot et Marie-Madeleine » de Philippe de Cherisey… Il se trouve d’ailleurs que je me suis limité dans cet exercice aux évidences les plus frappantes mais la liste est en fait très longue…
Certains détails sont effectivement difficiles à interpréter mais leur présence ne peut être niée et c’est déjà fondamental. Le reste est un chantier immense qu’il faut mener pas à pas. Ce travail n’est d’ailleurs pas terminé et j’espère présenter avec mon ami Jeannot une suite passionnante.
JPP : Ne pensez vous pas que Boudet aurait trouvé la piste menant à quelque chose d’important et que c’est Saunière qui aurait été « voir » ce qui aurait été trouvé ; d’ailleurs l’attitude du curé Rivière d’Espéraza peut nous le faire penser (Refus de l’absolution lors du vivant de Bérenger Saunière, constructions étonnantes dans l’église d’Espéraza)?
JP Garcia : Le sujet du curé Rivière est à double détente. D’une part et c’est un fait, son refus d’absolution de Bérenger Saunière ainsi que cette confession interminable, démontrent qu’il y eut un échange lourd et crucial entre les deux hommes. Bérenger Saunière avoua certainement à ce prêtre plusieurs faits qui ébranlèrent le déroulement normal de la confession. Mais sur ce point, ce comportement devient tout à fait compréhensible si l’on veut bien admettre certaines hypothèses concernant l’affaire Gélis. Sans rentrer dans les détails sordides du meurtre, sa mise en scène et les premières constatations faites par les enquêteurs démontrent que nous sommes en présence d’un assassinat entre prêtres. Hors, nous somme en 1897 et c’est à cette date que l’observe un changement de comportement entre Saunière et Boudet. Leur vie se sépare et ils ne se fréquentent plus. D’autre part il faut mettre en parallèle la vie d’Alfred Saunière que nous savons trouble et violente. Face à ce constat, il est donc évident qu’un tel aveu de ce dérapage meurtrier déstabilisa fortement l’abbé Rivière. Mais surtout, ceci peut expliquer pourquoi l’absolution ne put se faire. Rivière ne pouvait accorder les Saints Sacrements à un prêtre impliqué dans une affaire de meurtre et sans en référer à sa hiérarchie.
Je parlais de double détente. Voici la seconde. Comment expliquer les agissements curieux de Rivière dans son église ? Pourquoi se mit-il à construire une grotte de Lourde et à allonger dans une autre grotte de sa conception un Christ dans son linceul ? Car pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de constater ces ouvrages il faut préciser qu’il ne s’agit pas de simples reconstitutions anodines. Nous avons là une volonté flagrante de choquer, d’interpeler et d’exprimer sous forme allégorique des idées inhabituelles venant d’un curé aussi fervent que l’était Rivière. Il faut bien reconnaître que nous avons là un mystère de plus permettant d’alimenter de nombreuses spéculations. Si l’on admet qu’il y a cause à effet, alors il faut aussi admettre que Saunière mit dans la confidence Rivière sur certaines de ses découvertes ou certaines de ses convictions…
Mais ceci ne prouve en aucun pas que Saunière allât visiter le secret de Boudet. Il avait des doutes, c’est plus que probable… D’ailleurs nous savons que Saunière cherchait à calculer à la fin de sa vie une certaine hauteur… Preuve qu’il cherchait, comme nous aujourd’hui…
JPP : Dans son dernier ouvrage, « La Tombe Perdue », Christian Doumergues démontre de façon intéressante, mais prudente, que Pierre Plantard et Philippe de Cherisey auraient, eux, trouvé ce que Bérenger Saunière aurait découvert, sûrement sur les indications de Boudet, que pensez vous de cette théorie ?
JP Garcia : Si Pierre Plantard et Philippe de Cherisey avaient trouvé une partie du Secret, ils auraient eu depuis longtemps un autre discourt. Une anecdote intéressante est celle de la fameuse « pierre Alcor » qui fut longtemps recherchée sur les indications de Plantard au Serbaïrou sur le Méridien de Saint-Sulpice. Elle fut finalement trouvée en juin 2004 à un autre endroit et sans les prétendues inscriptions. Plantard connaissait l’existence de cette pierre puisqu’elle existe, mais il ne savait pas où elle se trouvait. C’est donc la preuve qu’il avait des documents très importants en main et qu’il cherchait comme nous aujourd’hui. Il avait simplement plusieurs longueurs d’avance grâce à son dossier et une intuition remarquable. S’ils connaissaient le Secret ils nous auraient parlé de la Montagne fleurie, de sa pierre Dolmen, du jumelage des tableaux de Rennes-les-Bains, de Jean Jourde et de Notre Dame de Marceille. La liste est longue.
JPP : Pour finir, avez-vous un autre projet en préparation et si c’est le cas, pouvez vous nous en parler un peu ?
JP Garcia : Mes projets ne manquent pas, mais comme je le disais, je laisse le temps et les opportunités décider. Depuis le début de cette aventure, les évènements me portent et me guident. Je suis constamment devant de nouvelles perspectives qui me montrent des chemins à suivre. J’aime aussi à expliquer que mon aventure est une suite de coïncidences qui se sont enchainées admirablement depuis plusieurs années. Mais si j’avais un choix d’enquête à faire actuellement, j’irais immanquablement vers la Fresque de la Montagne Fleurie qui représente le plus bel espoir d’illustrer concrètement ce mystère. Un travail est d’ailleurs en préparation avec mon ami chercheur Jean Brunelin, mais ceci c’est pour plus tard…
J’ai été longtemps partagé entre trop révéler et risquer les dégradations, comme dans le cas de la Vierge Noire de ND de Marceille, ou aider à une certaine vérité. Je pense que nous ne sommes malheureusement pas encore prêt à accueillir ce que Boudet et d’autres voulaient nous dire, mais j’ai choisi de communiquer, une manière de continuer ce que ces prêtres ont engagés il y a 130 ans… C’est un choix personnel et une manière de protéger cette fabuleuse histoire.
Je n’ai pas d’objectif clair où plutôt deux : continuer à faire rêver mes lecteurs au travers de mes recherches et tenter de faire prendre conscience à un large public de l’importance de ce patrimoine unique qu’il faut protéger.
JPP : Merci